Dimanche 22 avril, les médias traditionnels ont perdu leur leadership dans la communication des résultats électoraux au profit d’Internet et des réseaux sociaux. "A quasiment 2000 tweets par heure au moment le plus intense, #RadioLondres est devenu la vedette de la journée" souligne Serge Soudoplatoff sur son blog, "la rupture Internet". Le hashtag #RadioLondres a été utilisé à une fréquence d'environ 25 tweets par seconde avec un pic vers 19h15, le propulsant en tête des Trending Topics hexagonaux. Et les tweets humoristiques du début de journée ont rapidement laissé place à des messages plus métaphoriques donnant des indications sur les estimations ou des résultats dans les DOM-TOM, à Montreal... Morceaux choisis : "Le prix du flan à drôlement augmenté en Guadeloupe mais les Rolex sont en solde. Je répète..", "Amsterdam 28 °C, Budapest 26, Vichy 16, Moscou 13"... Et, pendant ce temps, le site Internet de la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) enregistrait un record de fréquentation, 80 fois la fréquentation d'un dimanche ordinaire. Bref, pour ne pas connaitre les résultats avant 20 heures, il fallait ne pas le vouloir.
Pourtant, on nous l'avait répété sous tous les tons, y compris les plus menaçants en rappelant le montant de l'amende de 75.000 euros : la loi française, qui date de 1977, interdit la publication des résultats jusqu' à la fermeture de tous les bureaux de vote, à 20 heures. Mais impossible de passer à côté du #radiolondres qui a animé toute l'avant-soirée électorale, passant par dessus la "ligne Maginot numérique" moquée par le journaliste Erwann Gaucher.
Contre toute attente, c'est de l'AFP que viendra le premier acte sérieux contrevenant à la loi. A 18h06, l'Agence France Presse diffuse ce message à ses clients : "Plusieurs médias étrangers ayant diffusé des estimations basées sur les premiers dépouillements des bureaux de vote qui ont fermé à 18H00, l'AFP va mettre incessamment à la disposition de ses clients les informations sur les estimations qui sont en sa possession. La diffusion de ces informations auprès du grand public est de la seule responsabilité des clients. L'AFP ne diffusera aucune information sur les estimations auprès du grand public via ses services internet avant 20H00". Le problème, c'est que de nombreux médias français utilisent des systèmes de publication automatique des flux et ont relayé la dépêche, avant de la retirer plus ou moins promptement, en fonction du degré de mobilisation des équipes techniques. Coup de tonnerre à la Commission où sont annoncées des represailles - à minima, une enquête - à l'encontre des contrevenants : l'AFP, la RTBF et Le Soir, un média suisse, un blog hébergé en Nouvelle Zélande, et un journaliste belge...
Comme le souligne Jean-Michel Billaut, "Il est assez symptomatique, que dans l'e-inconscient collectif des twittos français, cela soit la référence à l'appel du 18 juin du Général de Gaulle qui récolte tous les suffrages"
Il faudra bien changer cette loi obsolète et, surtout, inutile. Au Canada, rappelle le site spécialisé TechPresident.com, le gouvernement a annoncé qu'il allait abolir la loi qui imposait la même règle dans un pays qui compte plusieurs fuseaux horaires. Selon le ministre chargé de la réforme démocratique (notez le fossé qui nous sépare des leaders canadiens), "l'interdiction n'a pas de sens avec l'utilisation généralisée des réseaux sociaux et des moyens modernes de communication".
Le 6 mai prochain, je suis prêt à parier que les médias traditionnels ne laisseront pas les réseaux sociaux leur voler la vedette.